1. Introduction
  2. Quelques réflexions en vrac
  3. Organisation des noms de familles maltais
  4. La théorie de Hull sur la colonie Girgenti
  5. Premiers recensements et classement des noms
  6. Le recensement de 2005 et les noms maltais les plus communs
  7. Le panthéon des noms de famille maltais
  8. Fréquence par emplacement
  9. Un aperçu de Gozo
  10. L'échantillon 'australien' parallèle
  11. Mots apparentés et doublets
  12. Noms multiples
  13. Noms disparus

Un aperçu de Gozo

de Mario CASSAR

Les noms de la Gozo médiévale étaient étonnamment différents de ceux de Malte. Vella existait à peine, alors qu'elle constituait un gros 3% des noms de Malte en 1419. Zammit, Micallef, Zarb, Ellul, Caruana, et Chilia (cf. Cilia), entre autres, sont à peine discernables tout au long du Moyen Age, tandis que Refalo, Mintuf (cf. Mintoff), Manuele (cf. Demanuele), Rapa et beaucoup d'autres n’apparaissent à Malte que lorsque les membres de ces familles ont traversé vers la grande île (56).

Aux 15e et 16e siècles, Gozo avait son propre groupe privilégié d'aristocrates locaux et de noblesse terrienne. La plupart des nobles étaient d'origine étrangère; ils comprenaient les familles Puntetremulo (ou Pontremoli), La Barba, Navarro, Platamone, de Naso, de Federico, de Sahona, et Mompalao. Les propriétaires incluaient les familles Apap, Maira (cf. Amaira), de Anastasio (cf. Anastasi), Caxaro, de Bisconis, Saliba, Episcopo (cf. Piscopo), Mannara, Sansone et Fantino (57).

La catastrophe de 1551 a précipité une rupture presque complète de l'histoire de Gozo. Pratiquement toute la population de l'île, à l'exception d'une poignée d'hommes décrépits, a été réduite en esclavage et les preuves qui subsistent montrent que la plupart des prisonniers ont fini leurs jours à Constantinople. Seuls quelques-uns ont réussi à s'échapper ou à obtenir leur liberté et encore moins ont pu un jour rentrer chez eux. Les membres des familles De Apapis (cf. Apap), de Alagona, Castilletta, Navarra, Platamone, et Pontremoli avaient les fonds nécessaires pour se racheter. Certains des noms des captifs rachetés grace à une rançon ainsi que de ceux qui ont croupi dans la capitale ottomane nous sont connus par des actes notariés et des procédures judiciaires ultérieurs.

On peut déduire sans risque que les personnes représentées par les noms Agueina, Aluisa, Calimera, Cainba, Gerardu, Giarda, Lazu, Lazarun, Marinara, Xaura, Xluc, et Xucula sont morts en captivité puisqu’on ne rencontre plus jamais à Gozo ou à Malte ces noms de famille, enregistrés avant 1551 (58). Il est donc compréhensible que la plupart des noms de famille d’époque médiévale de Gozo aient été anéantis. Une comparaison des noms de famille communs sur l'île avant 1551 à ceux d'une liste de manifestants de Gozo de 1664 montre qu'il y a seulement 20% de chevauchements (59).

Certains des esclaves rachetés ont cherché refuge à Malte, en particulier à La Valette et les Trois Cités; d’autres se sont installés en Sicile, en particulier à Trapani et Licata. Le Grand Maître Juan D'Omedes et son Conseil ont d’abord joué avec l'idée d'abandonner l'île, mais il semble y avoir eu un semblant de retour à la normalité à partir de 1553. Motivés par la possibilité d'acquérir de l'immobilier abandonné par les habitants de Gozo non rachetés, de nombreux maltais et quelques Siciliens (par exemple de Soltano -- cf Sultana, de Sciacca, Cuchinella, Carnemolla, Parascandalo), ont commencé à émigrer vers et à repeupler l'île. La grande majorité des émigrés vers Gozo, près de 60%, venaient seulement de trois régions principales de Malte: (a) Naxxar, Mosta, Għargħur; (b) Żebbuġ, Siġġiewi; et (c) Żurrieq, Safi, Qrendi (60).

De cette manière, les noms de famille maltais communs, qui étaient totalement absents de la Gozo pré-1551, ont persisté sur l'île jusqu'à nos jours, comme en témoigne les documents du Status Animarum. Ils comprennent : Agius, Attard, Azzopardi, Bezzina, Borg, Camilleri, Cassar, Ciantar, Cumbo, Debono, Frendo, Gatt, Grima, Mallia, Mangion, Muscat, Pace, Portelli, Psaila, Schembri, Scicluna, Spiteri et Xuereb (61).

Malgré l'afflux constant de nouveaux immigrants, ce n'est que vers le milieu du 17ème siècle que la population de Gozo a retrouvé le niveau de 1551 (cinq à six mille). En 1637, la loi obligeant tous les habitants de Gozo à passer la nuit au Castello a été abrogée et les gens ont commencé à abandonner pour de bon leurs logements exigus à l’intérieur des murs pour des demeures plus spacieuses à Rabat et à la campagne. Finalement, ces colonies ont commencé à faire pression pour l'autonomie car ces communautés à croissance rapide étaient loin d’être contentes de la manière dont leurs besoins spirituels étaient satisfaits. Xewkija a été érigée en paroisse en 1678; Gharb lui a emboîté le pas en 1679. Lorsque Xagħra, Sannat, Nadur, et Żebbuġ acquirent le même statut en 1688, le mode d’établissement de Gozo a été officiellement confirmé (62).

À l'heure actuelle, Gozo (Population d'environ 31000) se compose de 14 localités distinctes - une seule ville, Rabat, et 13 villages. Ceux-ci peuvent être divisés en trois groupes en fonction de la taille de la population. Le premier groupe comprend Rabat, Nadur, Xagħra et Xewkija qui ont tous une population dépassant la barre des 3000. Ensuite, Għajnsielem, Gharb, Kercem, Qala, Sannat, et Żebbuġ ont entre 1000 et 3000 habitants. La population à Fontana, Għasri, Munxar, et San Lawrenz est encore sous de la barre des 1000. Selon le recensement de 2005, les noms de famille les plus courants à Gozo sont : Vella = 1, 492 (4,8%), Attard = 1, 338 (4,3%), Camilleri = 1,187 (3,8%), Grech = 1, 146 (3,7%), et Portelli = 966 (3,1%). Le top dix est complété par Buttigieg, Sultana, Azzopardi, Spiteri et Zammit. L'absence de Borg parmi les cinq premiers est tout à fait remarquable - il occupe en fait la 14e place et n’est présent de façon significative que dans le top-cinq de la liste de Fontana. Ces statistiques indiquent que 19,7% de la population totale de Gozo partage seulement cinq noms.

Gozo est un microcosme avec ses propres particularités et ses caractéristiques distinctives uniques. La structure génétique des Gozitans se reflète dans leurs noms de famille. Gozo, bien davantage qu’à Malte, a une population très homogène. Pendant une longue période de temps, il y a eu des échanges minimaux avec le monde extérieur, et jusqu'à la période d'après-guerre, les différents villages de Gozo étaient isolés les uns des autres. La plupart des mariages ont eu lieu entre les habitants du même village. Cela a invariablement conduit à un degré élevé d'endogamie, en particulier dans les plus petits villages. Une image de Gozo : études sur les aspects ethnographiques, éducatifs, et sanitaires de la vie à Gozo (Malte, 1998) de Maurice N. Cauchi est sans aucun doute la première étude à montrer la relation entre les villages mesurée par une analyse des noms de famille (63). Certains noms de famille (comme Vella et Attard) sont omniprésents et apparaissent à haute fréquence sur toute l'île. D'autres (comme Piscopo, Stellini, et Cini) sont limités à un ou deux villages, indiquant probablement un effet fondateur avec une dissémination minimale. L'étude des noms de famille d'une petite population d'île telle que celle de Gozo pourrait être d'intérêt anthropologique, et peut mettre en lumière les dérives génétiques au sein d'une communauté.

Selon Cauchi, les noms de famille les plus fréquents de Gozo se trouvent dans la plupart des localités. Vella, en particulier, se retrouve dans le top-six de tous les lieux, à l'exception de Xagħra. Certains noms sont largement limités à une ou deux localités particulières (par exemple Cini à Żebbuġ; Zerafa à Għajnsielem; Curmi, Debrincat, et Parnis à Munxar; Refalo, Sultana et Bigeni à Xagħra; Camenzuli à Gharb; Meilaq, Falzon, et Muscat à Nadur; Sacco, Bezzina et Scicluna à Rabat; Dingli à Xewkija; Piscopo à Gharb et San Lawrenz; Cefai à Qala et Żebbuġ).

Le degré d'homogénéité de la population dans une localité peut être indiqué par la proportion de la population ayant un seul nom. Un nom peut représenter n’importe quelle valeur entre 6% à 17% de la population totale d’un village / ville. Dans les villages de Żebbuġ et San Lawrenz les patronymes Cini et Grima représentent respectivement 16,9% et 17,0% de la population, alors qu’à Qala et Kercem les patronymes Buttigieg et Grech représentent respectivement 14,1% et 13,7% de la population (64). Les six premiers noms de famille à San Lawrenz, Żebbuġ, et Qala englobent 55,11%, 54,02% et 45,42% des populations respectives, faisant d'eux les localités les plus homogènes de tout Gozo. Les localités les moins homogènes sont Rabat et Għasri où seulement 28,75% et 28,66% de la population est couverte par les six noms les plus répandus.

L’isonomie implique le partage du même nom de famille par deux personnes, donc aussi la proportion à laquelle cela se produit. Dans les études démographiques, l'isonomie est mesurée par une valeur spécifique appelée alpha, qui reflète donc le degré de fréquence de nom de famille. Un niveau élevé d’alpha serait alors attendu pour corréler directement le degré de consanguinité. Les plus grandes valeurs d'alpha se trouvent dans les petits villages, en particulier Għasri (de manière disproportionnée), Fontana, Sannat, et San Lawrenz. Les valeurs les plus faibles, comme attendu, se trouvent à Rabat (65).

Il est assez intéressant de déterminer le degré de partage des noms de famille les plus courants dans diverses localités à Gozo : Buttigieg, Vella et Portelli à Nadur et Qala; Cauchi, Formosa et Vella à Gharb et San Lawrenz; Azzopardi, Vella et Xuereb à Xewkija et Għajnsielem; Vella, Camilleri et Zammit à Rabat et Żebbuġ; Attard, Grech et Vella à Rabat et Għasri (66). Ceci indique probablement un certain degré de mélange se produisant dans le passé entre ces localités. Certains villages semblent être uniques en ce qu'ils ne partagent pas un seul nom de famille commun à une quelconque grande dimension. Parmi ceux-ci les plus évidents sont Fontana et Sannat.

Il est tout à fait plausible que le nom apparaisse dans une localité (effet fondateur) et se diffuse de là vers diverses autres zones d'une manière radiale. Une tentative d'explication, hautement spéculative est la suivante; Portelli et Vella sont apparus à Nadur et se sont diffusés à Qala, et de là à Gharb. Buttigieg a probablement commencé à Qala et a migré à Nadur, et de là à Għajnsielem. Vella et Camilleri relient Nadur à Rabat et de là Żebbuġ. Vella et Xerri relient Qala à Xewkija (67). Une preuve supplémentaire d’une telle migration serait nécessaire pour confirmer ces suggestions.

Notes :
  1. G. Wettinger, ‘The History of Gozo from the Early Middle Ages to Modern Time’, in C. Cini (ed.), Gozo. The Roots of an Island, Malta: Said International, 1990, p. 58.
  2. Wettinger (1990), p. 56.
  3. S. Fiorini, ‘The 1551 Siege of Gozo and the Repopulation of the Island’, in J. Farrugia and L. Briguglio (eds), A Focus on Gozo, Gozo: University Gozo Centre, 1996, p. 78.
  4. Wettinger (1990), p. 58.
  5. Fiorini, p. 86. Cf. also G. Wettinger, ‘The Gozitan Captives of 1551’, in Malta Year Book, Malta, 1977, pp. 427--30.
  6. Fiorini, p. 86.
  7. Cf. J. Bezzina, ‘Gozo 1668 -- The Village Communities Confirmed’, in MaltaYear Book, Malta, 1988, pp. 391--3.
  8. Cauchi basé ses estimations de population sur les chiffres contenus dans le Government Gazette du 29/04/1997.
  9. Cauchi, p. 22
  10. Cauchi, p. 30.
  11. Cauchi, p. 27. A noter que si Rabat partage trois noms communs avec deux villages (Għasri et Żebbuġ), les noms concernés sont différents, et que seul l’omniprésent Vella est partagé entre eux.).
  12. Cauchi, p. 47

Texte publié avec l'aimable autorisation de Mario CASSAR


  1. Introduction
  2. Quelques réflexions en vrac
  3. Organisation des noms de familles maltais
  4. La théorie de Hull sur la colonie Girgenti
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  7. Le panthéon des noms de famille maltais
  8. Fréquence par emplacement
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