Promenade à Xaghra

Publié le 05/02/2011

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Article paru dans la Minigazette n° 52 de Juin 2006
Des Amis de Malte Toulouse Midi Pyrénées

Les grecs ont leurs Amazones, les scandinaves ont leurs Valkyries et Xaghra a sa Géante, sa Dame Blanche et Calypso.

Avez-vous vu les temples mégalithiques ? Qui donc aurait pu extraire ces blocs de 6 mètres de haut à Cenc, au sud de Gozo, puis les traîner jusqu'à Xaghra et les ériger ! C'était le travail d'une Géante, pardi! Elle construisit deux temples, balançant les blocs d'une main, tenant son bébé de l'autre, tout en croquant des poignées de haricots. Ainsi, elle construisit les temples de Ggantija.

Ggantija

C'était il y a 3.500 ans avant notre ère. Mais un jour, de méchants voisins se moquèrent d'elle, et la Géante, vexée, quitta Gozo. Et ses temples sont toujours là. Le livre Guiness des Records les classe, avec ceux de Skorba, au rang des sites les plus anciens de pierres dressées.

Non loin de ce site, le tabouret de la Géante: un monolithe de 5 mètres de haut posé sur une pierre de taille inférieure, on l'appelle la « Sansuna ». Et ce n'est pas tout: voici le Stone Circle, le Cercle de pierres, 120 mètres de circonférence. A quoi servait-il ? Prières ? Sacrifices ? Réunions ? Et voilà encore le Santa Verna Temple, et encore d'autres mégalithes près de la Grotte de Ghysu (âge de bronze).

Puis descendons vers la mer. Homère nous conte dans l'Odyssée qu'un célèbre touriste de son époque vint faire escale en ce lieu, qu'il nomme Ogygia, cœur de la Méditerranée. On ne peut trouver position plus centrale. Après avoir surmonté de terribles dangers, Ulysse accosta à Gozo et coula des jours heureux auprès de la charmante Calypso. La caverne était tapissée de plantes odorantes, le sable rouge était doux, la mer scintillait, un faucon planait. Ulysse et Calypso y vécurent heureux. Et eurent sans doute beaucoup d'enfants, l'orchestre de Xaghra «Ulied Calypso » -les enfants de Calypso- n’en témoignent-ils pas ?

Au hasard de notre promenade à Xaghra (prononcée Chara) nous voyons une rue en pente si raide qu'on l'appelle « Is-sellum », l'échelle. Au creux d'un mur: une niche, la niche du muet, Tal-Mutu. Elle commémore la fin de l'épidémie de peste de 1814; c'est un sourd-muet qui alla, de porte en porte, recueillir les fonds, en faisant tinter son gobelet de fer. Après sa mort, son gobelet fut utilisé avec dévotion par les petits sourds-muets du lieu.

Autre niche sur notre chemin, celle de N-D des Anges; elle commémore la délivrance d'une famille de paysans emmenés en esclavage par les Turcs pendant deux ans. Et à propos de Turcs, voici une légende: elle nous vient du temps du grand Siège en 1565. Un jeune soldat, passant près d'un jardin, aperçut de belles grappes de raisin doré. « Je vais en cueillir pour le Grand Chef Dragut. ». Il tire sur la grappe mais le jardinier le surprend et fonce sur lui. Alors le jeune tire plus fort et emporte tout le sarment. Il accourt vers Dragut, lequel hurle: « Ne sais-tu pas que la vigne est sacrée et que le Coran interdit de l'abîmer! » Et Dragut ordonna de le brûler vif sur place avec son sarment. La pierre du sacrifice est là, on l'appelle « la Pierre de Dragut », il-Gebla ta'Dragut- ou ta'Berghud, déformation ironique qui signifie: la Puce.

Dragut

Encore quelques pas plus loin, et nous entendrons le rafraîchissant murmure d'une source, dans la Grotte Tal-Mixta. Cette source a la réputation de donner santé et vigueur à ceux qui viennent s'y abreuver, hommes et bêtes.

Et voici le Razzett où l'on confinait les malades contagieux ; ils étaient inhumés dans des cimetières réservés, le cimetière des Oliviers pour les pestiférés, et son voisin utilisé pendant l'épidémie de choléra en 1837.

Autre page d'Histoire: une villa romaine découverte vers 1910, elle comprend 19 pièces vastes et bien décorées. D'après l'aménagement du sous-sol, on déduit qu'on pouvait y prendre des bains chauds. Et enfin, la Vendôme Battery installée par les Chevaliers.

Vendôme Battery

Aujourd'hui, ce site chargé d'Histoire, de légendes, d'épreuves est un lieu paisible, animé d'une foule avide de sérénité, curieuse du passé, heureuse de vivre quelques jours de détente. Les 3.000 Xaghrin vivent en sécurité sans oublier leur passé. Comme l'oiseau de leur blason, ils font -posément - leurs projets d'avenir. La devise est Librat et volat : Il se pose puis il prend son essor.

Texte publié avec l'aimable autorisation d'Aurore VERIE


  1. Promenade à Xaghra, de Aurore VERIÉ
  2. Des Français à Malte, de Aurore VERIÉ
  3. Comment je suis devenu colonialiste, de Claude RIZZO
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